Jusqu’où laisserons-nous grimper les dépenses en santé ?

Il est possible de prévenir la majorité des maladies chroniques et c’est d’ailleurs la meilleure façon d’éviter la faillite de notre système de santé, avance l’auteur de cette lettre.

En lisant l’article de Mia Rabson et Laura Osman sur les dépenses fédérales en santé, « Les dépenses fédérales augmentent plus vite que celles des provinces1 », publié le lundi 2 septembre, nous avons été frappés par le rythme effarant de l’augmentation des dépenses en seulement 20 ans.

Alors que nous dépensions 2773,90 $ par personne en 2005, ce montant se chiffrait à 6638,62 $ en 2023. C’est plus du double ! Et, malheureusement, nous n’avons encore rien vu…

En mai dernier, la prestigieuse revue The Lancet a publié une édition spéciale sur le fardeau des maladies chroniques qui risque de mener à la faillite de bien des systèmes de soins dans le monde.

Avec les changements climatiques, le vieillissement de la population, les dégâts évidents de la pandémie sur la santé mentale et les inégalités sociales, ainsi que nos modes de vie rapides et délétères, le terrain est fertile pour avoir toujours plus de maladies et de dépenses en soins.

L’heure est grave pour l’avenir de la santé de la population : la capacité à soigner n’est pas infinie.

Avec un budget qui atteint le milliard de dollars par semaine et représente la moitié du budget du Québec, cette pression croissante des dépenses en santé impacte aussi l’ensemble de nos projets de société et des autres fonctions de l’État, dont la part du gâteau s’amenuise. Des choix de plus en plus difficiles doivent être faits entre les différentes priorités et on nous annonce déjà des années difficiles à venir.

Cessons de subir la maladie et reprenons le pouvoir sur elle. Car oui, dans plusieurs cas, les efforts combinés du gouvernement et du public peuvent changer complètement la fin de l’histoire.

Prévenir les maladies chroniques

Avec les connaissances d’aujourd’hui, nous pouvons déjà prévenir près de 7 maladies chroniques sur 10. Même des maladies de nature cognitive, comme l’Alzheimer, peuvent être réduites ou repoussées à beaucoup plus tard grâce à un mode de vie sain et à des environnements favorables à la santé. On parle de milliards de dollars d’économies potentielles en soins, mais aussi des souffrances et des handicaps évités pour des milliers de personnes et leurs proches. Il en va de notre qualité de vie à court et à long terme.

Voilà pourquoi nous ne pourrions être plus d’accord avec le ministre Mark Holland quand il affirme qu’il faut « passer d’un système basé sur la crise, où nous attendons que les gens soient vraiment malades pour nous en occuper, à un système en amont, où nous évitons la maladie et où nous nous engageons dans la prévention ». Nous sommes d’ailleurs bien loin d’être seuls à croire en cette solution incontournable pour notre système de soins. La Coalition québécoise pour la réduction de la maladie2, lancée en février dernier, regroupe désormais près d’une quarantaine d’organisations qui considèrent qu’un plan gouvernemental pour réduire les maladies évitables est essentiel.

Einstein disait que la folie, c’est de toujours faire la même chose et de s’attendre à un résultat différent. Il est plus que temps de changer la culture de la santé et de se doter d’un objectif à la fois réaliste et ambitieux. Nous devons collectivement faire plus et faire mieux pour réduire les principales maladies qui affectent les Québécois et les Québécoises.

Thomas Bastien, Directeur général de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ)

5 septembre 2024

1. Lisez « Les dépenses fédérales augmentent plus vite que celles des provinces »

2. Consultez le manifeste de la Coalition québécoise pour la réduction de la maladie